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Deepak Chopra: Le problème avec Socrate




Deepak Chopra: Le problème avec Socrate
J’ai été l’un des nombreux lecteurs intrigués par un récent éditorial du New York Times traitant de la découverte de qui nous sommes vraiment. Intitulé "A la recherche du moi véritable", l’article était écrit par un professeur de Yale, Joshua Knobe, qui tente quelque chose de très ambitieux. Il veut résoudre le dilemme de la division des humains entre leur nature civilisée et leur nature animale. Cette question est loin d’être abstraite. Les pulsions sexuelles ont fait chuter des gouverneurs et des membres du Congrès; la violence sous forme de terrorisme nous obsède; chaque année des milliers de morts par arme à feu font partie du décor de la vie américaine. Voilà pour le côté animal. Du côté civilisé, nous avons des philosophes qui mettent en exergue la supériorité de la raison sur la passion, la doctrine du "connais-toi toi-même" et l’argument de Freud selon lequel la civilisation ne peut exister sans payer le prix de pulsions inconscientes, refoulées, et particulièrement le sexe et la violence.
 
Knobe personnalise le problème en citant l’exemple d’un prêtre intégriste qui s’est consacré à une croisade contre l’homosexualité, adoptant la position traditionnelle des chrétiens intégristes pour qui l’homosexualité est un péché et le "style gay" contre les commandements de Dieu. L’inconvénient, c’est que ce prêtre-là est homosexuel lui-même et qu’il a passé sa vie entière à lutter contre ses penchants sexuels. Ainsi, pour un homme, la doctrine du "connais-toi toi-même", dit Knobe, atteint la croisée des chemins. Si le moi véritable est rationnel, cet homme obéit à son véritable moi en vivant selon des valeurs supérieures (son christianisme) au lieu de s’adonner à ses penchants sexuels. Le prêtre, qui admet éprouver du dégout pour son attirance vers les autres hommes, prend cette haine de lui-même pour un bon signe, puisqu’elle est en accord avec la propre attitude de Dieu.
 
D’autre part, beaucoup trouvent aujourd’hui cette attitude détestable. Ils prétendent que le véritable moi de ce prêtre peut se révéler en grattant le vernis des jugements moraux et en s’adonnant aux pulsions qui nécessitent tant d’efforts et d’abnégation pour les faire disparaitre. Si le prêtre était sans complexe et fier, par exemple, il exprimerait ce qu’il est réellement. Il est clair qu’il n’y a pas d’accord sur cette question du véritable moi, ce qui entraine ce que les philosophes appellent le problème socratique. Nous devons à Socrate, qui vivait à l’époque de Périclès à Athènes au Ve siècle avant notre ère, notre admiration pour une raison. Confronté à une société où chacun avait son opinion sur tout, Socrate allait de citoyen en citoyen (il parlait à tout le monde, riche ou pauvre) et leur posait des questions sur les fondements de leurs croyances. Au premier abord, les questions semblaient innocentes, mais vers la fin de la discussion, Socrate avait mis à jour la base illogique et préjudiciable des choses tenues pour vraies. La personne voyait à la lumière de la raison que la vérité était bien différente de ce qu’elle supposait. La méthode de Socrate consistait à berner l’ignorance en faisant appel à la faculté supérieure de la rationalité.
 
Depuis lors, et jusqu’à la montée triomphale de la science, les esprits éclairés ont été associés à la raison, et l’ignorance à la déraison. En quoi Socrate pose-t-il donc problème? C’est que Socrate lui-même était un champion de la déraison. Il disait qu’il possédait une mystérieuse voix intérieure qui lui disait quand il agissait mal (son démon) et que cette voix avait une source divine. Socrate était célèbre pour son culte traditionnel des dieux grecs. De plus il révérait l’état d’inspiration connu sous le nom de folie divine. La folie divine était digne de la plus haute considération parce qu’elle était la source de l’art, de la musique, de l’amour, de l’imagination et du lien avec notre âme. Comment Socrate maintenait-il l’équilibre entre la raison et la déraison? Il ne le faisait pas. Parfois, il parle d’un aspect de lui-même, parfois d’un autre. Le problème socratique est que lorsqu’on y regarde de plus près, le père de la philosophie occidentale ne peut se définir d’une façon ou d’une autre.
 
Le professeur Knobe a l’idée neuve de résoudre l’énigme du véritable moi. Il propose un nouveau domaine du nom de « philosophie expérimentale » qui pousserait ses recherches dans les délicats problèmes qui empoisonnent la philosophie depuis des siècles, comme l’énigme du moi véritable. Par exemple, lui et ses deux collègues de Yale ont posé à 200 sujets une série de questions sur leur moi véritable. Mais il y avait un petit piège. Les questions étaient pondérées d’un parti-pris libéral et conservateur. Le but était de voir si les jugements de valeur d’une personne influencent ses idées sur le moi véritable. Un conservateur accepterait-il de lutter contre ses tendances homosexuelles et un libéral approuverait-il la valeur opposée? Naturellement. Cela donnerait-il à chacun d’entre eux une idée différente du véritable côté où se situe la nature humaine? Oui. Les gens voient la réalité à travers les lentilles de leurs préjugés et croyances sociales. Cette découverte n’est guère saisissante, et je pense que tous les efforts fournis sont peut-être vains.
 
Si vous demandez aux gens qui ils sont réellement, pourquoi faudrait-il accorder de l’importance à leur réponse? Ils n’ont pas entrepris le voyage intérieur que désignait Socrate. "Connais-toi toi-même" ne se réduit pas à un questionnaire de trente minutes.  Cela signifie s’engager dans un processus de toute une vie de réflexion sur soi-même, de contemplation et de questionnement. Le fait est que lorsque ce voyage est pris au sérieux, les contraires qui sont en nous sont résolus. La guerre entre la raison et la déraison existe à maints niveaux du moi, mais elle n’existe pas au niveau du moi véritable. Un fleuve a des courants turbulents jusqu’à ce qu’on en atteigne le fond où l’eau est calme et coule à peine. Telle a été la position des traditions de sagesse dans le monde, et le moi véritable a porté des noms différents: Atman, spiritus, âme, et beaucoup d’autres. Une véritable philosophie expérimentale, ce qui semble une très bonne idée, testerait la proposition selon laquelle l’unité se situe au-delà de la dualité. C’est ce qu’a essayé de faire la philosophie depuis le début. Pour un chrétien homosexuel en conflit, ce voyage semble bien plus prometteur que de le faire basculer entre différentes opinions, de droite et de gauche.

Je pense que le problème socratique résulte d’une confusion. Que nous parlions de Jésus, de Bouddha ou de Socrate, le résultat du "connais-toi toi-même" ne se termine pas dans un embrouillamini. Chacun d’eux a parlé d’une réalité plus élevée qui pouvait être atteinte, et au fur et à mesure que se déroule le voyage, la raison et la déraison jouent un rôle. La raison trie les contradictions et analyse ce qui se passe lors d’un changement d’expérience intérieure. Sa principale valeur est de percer notre illusion, exactement comme Socrate le faisait avec sa méthode. La déraison apporte l’intuition et la perspicacité. Son but principal est d’approfondir l’expérience jusqu’à ce que la présence du divin soit bien réelle. Plutôt que de se faire la guerre, ces deux aspects du moi sont des alliés dans une bataille contre un ennemi commun: l’illusion.

Cet embrouillamini est le nôtre, pas celui de Socrate. Par définition, une expérience qui cherche à trouver le véritable moi en posant 20 questions se situe secrètement du côté de la rationalité, comme toute collecte de données. Les résultats sont biaisés d’avance. Après tout, un sujet qui dit: "C’est idiot, cette expérience, je me casse" serait tout aussi fidèle à son véritable moi que quelqu’un qui s’assoirait docilement et passerait le test (peut-être serait-il encore plus fidèle à lui-même). Mais toutes ces considérations sont secondaires. Le moi véritable signifie peu de choses jusqu’à ce qu’il saute d’un manuel de philosophie pour devenir une vocation, une vision, le but ultime de la vie.

Deepak Chopra
Un grand merci à Jean-Louis pour la traduction de ce texte
Titre original: The problem with Socrates

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